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Quelques notions juridiques liées à l’utilisation pédagogiques de ressources numériques

Cet article est rédigé suite à un séminaire sur les ressources numériques et les modalités juridiques d’usages qui s’est tenu à Paris au début du mois de février 2013.
La loi sur la refondation de l’école vise à faire entrer l’école dans l’ère numérique (page de présentation sur le site Eduscol). Un rappel des règles de droit concernant les usages pédagogiques liés au numérique est indispensable pour notre pratique quotidienne et notre rôle d’éducateurs aux usages raisonnés du numérique, en tenant compte de trois situations : celle du juriste, celle de l’auteur et celle de l’usager.

 1. La position du juriste

Concernant la position du juriste (juge ou avocat), les problèmes liés aux usages numériques tournent autour de trois aspects : Gestion des inscriptions, abonnements et engagements

  • Il y a 2 situations possibles :
  • Situation 1. Inscription à des ressources qui relèvent d’une politique ministérielle (ressource qui vient du ministère et qui est imposée comme une pratique éducative, donc qui a fait l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL : ENT par exemple). Dans ce cas, il n’y a pas besoin d’aller chercher un accord individuel des élèves (l’élève entre dans une base de l’Éducation nationale avec un droit d’opposition nul).
  • Situation 2. Environnement proposé par l’éducation numérique hors du cadre officiel (manuels numériques hors ENT, Google Docs, Wiki, CLOUD…) On ne peut inscrire un élève sans son autorisation. Chaque enseignant doit obtenir les autorisations nécessaires auprès des parents et faire une déclaration à la CNIL.

L’inscription ou l’abonnement d’élèves à des services comme Google Docs ou Doodle est actuellement fortement déconseillée puisqu’il est interdit à un professeur d’inscrire des élèves à leur insu sur des sites utilisant des bases de données.

  • De plus, les outils liés à Google posent un certains nombre de soucis tels que :
  • les différences de législation (le droit américain privilégie l’entreprise par rapport à l’auteur) ;
  • le fait que Google peut changer à tout moment et unilatéralement les droits et les règles du jeu liés à ses services ;
  • la pratique du contrat d’engagement avec Google qui impose une adhésion faisant abandonner à l’usager de ses services une partie de ses droits, notamment d’auteur.

Le développement de l’usage des ENT dans notre pratique répond en grande partie à ces soucis légaux puisqu’ils proposent une partie des solutions au problème des services en ligne.
En effet, c’est un service institutionnel qui propose certains services proposés par Google Docs et s’il reste incomplet, il présente l’avantage de proposer un outil sécurisé (échange de fichiers avec les élèves dans un but pédagogique, service de messagerie sécurisé et d’accès à des ressources…).

Concernant l’inscription à des ressources en ligne, il faut comprendre qu’une inscription (relation contractualisée) nous engage lorsque l’on contracte des abonnements. S’il abonne un établissement ou des élèves hors du champ conventionnel et sans prévenir son institution, l’enseignant est clairement en faute (plainte possible devant un tribunal).
Il convient donc de privilégier l’abonnement à des ressources avec lesquelles l’institution est conventionnée (INA, ÉduGéo, SiteTV…) dont la liste se situe sur le site Eduscol
Concernant l’engagement des élèves, il faut rappeler qu’il ne peut se faire sans l’accord écrit des parents et ce dans tous les cas. Il doit y avoir un accord pour chaque ressource et un accord global ne peut être envisagé.
L’accord parental n’est en revanche pas nécessaire pour l’inscription à une ressource via l’ENT car celui-ci est intégré à une inscription institutionnelle et conventionnée par l’Éducation nationale.

Usages des ressources et services en ligne liés aux problèmes des droits d’auteur

Le problème de l’usage des ressources et services en ligne est lié aux conditions légales d’usage par l’enseignant, conditions qui ne sont pas homogènes.
Dans la future loi d’orientation, l’exception pédagogique signifierait que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. (Ceci pose le problème des ayants droits). Une application stricte de la loi entraînerait en effet un blocage du système notamment vis-à-vis des situations d’enseignement, la pratique pédagogique étant actuellement en avance sur le droit.

  • Dans le cadre d’une situation d’enseignement, la société se montre tolérante face aux usages TICE. L’enseignant doit cependant, respecter quelques obligations a minima :
  • L’enseignant doit respecter les règles de son activité et notamment les droits de propriété intellectuelle et de droit des personnes (art. 9 du Code civil) ;
  • Il doit se placer dans une démarche responsable en conservant une attitude prudente vis à vis de la loi (« bonne foi raisonnée » de l’utilisateur vis à vis des droits d’auteur) :
  • Dans tous les cas, il doit demander l’autorisation à l’auteur avant de publier ou d’utiliser une de ses œuvres.

Production et partage : Creatives Commons

Le libre en tant que tel n’existe pas dans le code de la propriété intellectuelle. Il n’existe donc pas juridiquement. Sous Creatives Commons, le souci est de savoir si l’auteur d’un document l’est réellement. Un utilisateur peut être condamné pour l’utilisation d’une ressource Creatives Commons dont les droits d’auteur auraient été usurpés. De plus la licence Creatives Commons est une licence américaine qui permet de revenir en arrière (une licence libre peut cesser de l’être à tout moment).
Il faut donc rester prudent dans l’usage des licences libres et vérifier régulièrement qu’un document présenté comme libre à un instant T, l’est toujours ultérieurement.

 2. La position de l’auteur

  • Il convient avant tout de définir quelques règles juridiques concernant les œuvres et leurs auteurs :
  • une œuvre est réputée créée par un auteur. Elle est protégée dès que la phase de création est commencée. Une idée n’est pas protégée en France. Cette œuvre doit donc être concrète ;
  • l’auteur est la personne sous le nom de laquelle, une œuvre est divulguée ou publiée. Le droit d’auteur se divise entre un droit moral non cessible par l’auteur et un droit patrimonial qui est cessible ;
  • un auteur a différents droits : droit de paternité (revendiquer l’œuvre, il faut donc citer le nom de l’auteur lors de son utilisation), droit au respect de intégrité de l’œuvre et donc de s’opposer à toute déformation ou mutilation, droit de divulgation (publication), droit de s’opposer à toute utilisation et droit de retrait.
  • Ces droits ont des durées variables :
  • droit patrimonial : 70 ans après la mort de l’auteur, 115 ans exceptionnellement pour un auteur ayant rendu un service à la France ;
  • droits voisins : 50 ans à partir de la première divulgation de l’œuvre.

Il faut aussi tenir compte de la notion d’intégrité de l’œuvre. On ne peut séparer les images du son sans l’accord de l’auteur.
Il convient enfin d’évoquer l’importance de de la vérification des droits concernant les documents mis en ligne ce qui est très complexe.

Dans le cadre de la classe, il existe désormais des accords qui prévoient que l’élève ou le professeur peuvent utiliser une représentation numérique d’une œuvre de façon temporaire et ce dans un objectif et un usage pédagogique.
L’ENT étant considéré comme une classe étendue, il est donc possible de poser sur l’ENT, une œuvre utilisée dans le cadre d’une démarche pédagogique (dossier HDA des élèves qui ne doivent pas le sortir de l’ENT). En revanche, il est interdit de copier le catalogue du Louvre. Si l’auteur participe à des ateliers pédagogiques ou des résidences, ici, l’accord est implicite. Le tout est de faire signer une autorisation préalable d’usage.
À noter que la question des droits se pose également pour le cahier personnel électronique d’HDA pour les élèves par exemple et ce y compris au sein d’un espace sécurisé comme un ENT.

Concernant l’usage de ressources avec publication sur des sites internet notamment académiques, de façon générale, un accord est à demander pour publication de ressources pédagogiques liées à des œuvres. En général, elle est acceptée lorsque l’enseignant invoque l’aspect publicitaire donné à une œuvre du fait de la publication de l’usage pédagogique qui en est fait.

  • La réaction est cependant différente selon les partenaires culturels :
  • le musée d’Orsay interdit toute photographie, le musée du Prado a en revanche une politique très libre vis à vis des publications pédagogique à but non commercial ;
  • dans le cadre de l’INA et de Jalons, les vidéos de Jalons sont libérées pour un usage pédagogique et leur publication peut se faire librement sur les sites académiques en passant par le player vidéo proposé avec la vidéo ;
  • pour les archives de l’INA.fr, l’export du player suffit en général mais il préférable de demander une autorisation à l’institution.

Malgré tout, il existe une tolérance globale vis à vis des activités pédagogiques.

Concernant YouTube et Dailymotion, leur usage doit être fait avec prudence car les droits d’auteur sont peu respectés et le problème des sources se pose de plus en plus. L’enseignant doit ici se placer dans un rôle de sensibilisation des élèves à la question du respect des droits sur ces sites.

 3. La position de l’usager

  • La réflexion porte autour de l’utilisation d’une image ou une œuvre :
  • sur un site académique ;
  • sur un site établissement ;
  • dans une séquence pédagogique.

Ceci concerne l’usage et la mise en ligne de tous les types d’œuvres (carte IGN, tableaux, film, images, textes…). Il est essentiel de se rappeler quelles sont les règles essentielles du droit français telles qu’elles sont par exemple présentées sur le site de l’école des Mines de Nantes.

Il est ainsi précisé que les droits au sein d’un ENT et d’un site ouvert sur l’extérieur sont différents. Le problème est lié à la maîtrise du public et l’institution est garante des contenus publiés.
Concrètement, l’Éducation Nationale paye le Centre Français d’exploitation du droit de copie tous les ans afin de rémunérer les auteurs quant à l’usage de leurs œuvres à des fins pédagogiques.

Concernant les vidéos, un lien renvoyant vers la source qui diffuse est essentiel. Si c’est un exposé, il faut que l’élève ou l’enseignant soit très rigoureux pour citer la source.
Il est donc important d’être conscient de ce que l’on fait avec une œuvre (propriété intellectuelle, sécurité, protection des mineurs, sécurité des données personnelles…).

  • Pour les usages pédagogiques, les règles sont les suivantes :
  • DVD ou documentaire : pas plus de 6’ ou 15 % de l’œuvre ;
  • images à usage pédagogiques : 400 x 400 pixels (soit 14 cm par 14 cm) avec une résolution de 72 dpi ;
  • chanson : 30 secondes ;
  • la règle veut que les ressources misent à disposition des élèves soient effacées à la fin de chaque année scolaire.

Ces règles posent un souci notamment en ce qui concerne le temps de mise à disposition avec les travaux des élèves dans le cadre du dossier numérique de l’HDA et du cahier de texte numérique en ligne. Ici, l’usage de l’ENT reste essentiel.

Pour les documents présents sur les sites internet pédagogiques et institutionnels (établissements et académiques), une tolérance dans un but pédagogique est de règle.
En effet, la publication de séquences est nécessaire dans le but d’une mutualisation commune. Un renvoi vers les sites sources (éditeur, auteur…) protège grandement les sites contre des attaques possibles, de même qu’une démarche volontaire des sites académiques avec la demande d’autorisation à l’auteur.
Si un auteur proteste pour non respect de ses droits, il est de règle de retirer la publication incriminée.

Il est donc nécessaire de mettre des bornes à nos usages TICE et d’éviter les excès en pouvant toujours prouver notre bonne foi.
Il convient donc d’être attentif à diffuser des documents formalisés le plus légalement possible (source, auteur, lieu…) pour être en conformité avec la loi.

  • En conclusion, en ce qui concerne la diffusion d’œuvre sur les sites internet établissements comme académiques, la situation est la suivante :
  • pas d’obstruction à la publication du moment que le partenaire, l’auteur et l’adresse de l’œuvre sont clairement indiqués (retrait en cas de plainte de l’auteur)
  • il est préférable de demander une autorisation à l’auteur dans la majorité des cas
  • nécessité de continuer à publier sur les sites académiques afin de diffuser les « bonnes pratiques » en tenant compte des restrictions légales (sources, captures d’écran, lien vers le site d’origine, présentation pédagogique).
Mise à jour : 27 août 2016